3 août 2014, par Admin - Catégorie : Dans La Presse
Interview
d’Alexandre del Valle au Figaro Magazine: “Va-t-on en finir avec la
culpabilisation ?”
Auteur d'un véritable
manuel de déculpabilisation à l'usage de nos sociétés occidentales, Alexandre
del Valle démonte le système du "cosmopolitiquement correct", cible
l'intoxication qui nous plonge dans la dépression, et appelle à notre réarmement
moral.
Rencontre avec un iconoclaste.
Propos recueillis par Patrice de Méritens
Rencontre avec un iconoclaste.
Propos recueillis par Patrice de Méritens
Patrice de Méritens :
Dans votre dernier ouvrage, vous évoquez le "complexe occidental"
mais, d’abord, qu’est-ce que l’Occident ?
Alexandre Del Valle : - L’Occident
désigne l’ensemble des nations d’origine européenne marquées par la philosophie
grecque, le droit romain et le monothéisme judéo-chrétien, qui pose la
sacralité de l’Homme, créé à l’image de Dieu et libre, d’où la place centrale
de l’Individu. Mais les élites occidentales modernes adhèrent à une autre
définition, " anti-identitaire " dont les 3 principaux critères sont
: le libéral-démocratisme et les Droits de l’Homme (selon lequel n’importe quel
pays démocratique peut être reconnu comme " occidental " ; le
libre-échangisme économique, fondement de toutes les organisations occidentales
(OCDE, UE, ALENA etc); enfin, l’appartenance à l’OTAN ou l’alliance avec les
Etats-Unis. Cela explique pourquoi le Japon, la Corée du Sud ou la Turquie sont
associés à l’Occident, alors que la Russie, pourtant chrétienne et européenne,
en est exclue. Ainsi, la candidature de la Turquie musulmane à l’Union
européenne a été acceptée, car sa qualité de membre de l’OTAN et de pays allié
face à l’ex-URSS sous la guerre froide " prouverait " son appartenance
à l’Occident… il est temps que nos stratèges atlantistes adaptent leurs cartes
mentales géopolitiques à la réalité du monde de l’après-guerre froide…
PdM : Comment définir le
complexe occidental ?
AdV : Il s’agit d’une maladie
collective, d’un processus d’auto-sabordement identitaire fondé sur le postulat
que notre civilisation serait la pire de toutes. Pour ne "plus jamais
" reproduire les tragédies du passé, nous devrions avoir honte de notre
Histoire, puis effacer nos racines "coupables" afin d’"expier
les fautes" d’ancêtres certains ou putatifs dont nous serions justiciables
des crimes. L’aboutissement de ce masochisme identitaire, fondé sur l’idée
absurde de la transmission génétique des fautes et de la culpabilité
collective, est l’acceptation d’une immigration extra-européenne de peuplement
et l’islamisation-tiersmondisation progressive de nos pays invités à s’offrir
aux civilisations hostiles dont la violence éventuelle tournée contre nous
serait une " punition expiatoire". Ce complexe occidental nous pousse
donc à dévaloriser notre camp et à survaloriser celui des autres. Il résulte
d’un terrorisme intellectuel conçu pour diaboliser l’identité de l’Homme
blanc-chrétien (mais pas celle des non-occidentaux " victimes " de ce
dernier). Il a gagné tel un virus, ou un trou noir sémantique , la
quasi-totalité des élites philosophiques, médiatiques, universitaires,
judiciaires et politiques d’Occident qui reproduisent à leur tour – par
conformisme ou par peur de la mise à l’index - cet enseignement du
mépris de soi.
L’esclavage et le
racisme n'ont jamais été à sens unique. La droite doit cesser de vouloir plaire
aux philosophes de gauche » !
PdM : Qui se trouve
derrière cette diabolisation de l'Occident ? Y aurait-il selon vous un complot
?
AdV : Il n’y a pas de
complot, mais plutôt une convergence structurelle de plusieurs pôles de
puissance concurrents qui n’ont en commun qu’une même hostilité envers
l’Etat-Nation occidental et la civilisation chrétienne : 1/ l’internationalisme
marxiste ou post-marxiste, hostile aux frontières et identités ; 2/ " Mc
World ", expression du sociologue américain Benjamin Barber qui désigne
l’empire hédoniste-consumériste universel qui doit détruire toute identité,
toute barrière douanière et toute hiérarchie pour produire de façon délocalisée
et avec toujours plus d’économies d’échelles ses biens de consommation
périssables. Cette source du cosmopolitiquement correct est parfaitement
représentée par "l’idéologie Benetton" et ses publicités radicalement
multiculturalistes ; 3/ la nouvelle religion des droits de l’Homme et ses
corollaires, la citoyenneté universelle et le culte des minorités tyranniques,
toujours encensées face à la majorité suspecte; 4/ le radicalisme écologiste,
hostile à toute forme de patriotisme au nom d’une planète que l’Homme blanc
aurait " détruite ", ce pour quoi il devrait être puni ; 5/ l’Eglise
catholique culpabilisée, toujours en première ligne dans la défense des
clandestins, des " opprimés " revanchards du tiersmonde ou des
islamistes face auxquels nous devrions tendre la joue gauche ; 6/ l’islamisme
qui subvertit l’antiracisme pour nous conquérir en nous culpabilisant.
PdM : Comment s'opère
concrètement la manipulation ?
AdV : Le combat est
avant tout mental. La marque la plus évidente d’un processus de manipulation
(obtenir de la part d’un public-cible qu’il fasse ce qui est contraire à son
envie initiale et son intérêt) est le couple Diabolisation-Culpabilisation.
J’explique dans mon ouvrage que la manipulation est une science qui obéit à des
lois psycho-sémantiques que le public ignore, mais qu’il subit chaque jour.
Tout manipulateur utilise ainsi l’arme de la DCR : D comme Discréditer et
Diaboliser (la reductio ad hitlerum décrite par Leo Strauss) ;
C comme Culpabiliser (pour détruire les défenses immunitaires et priver les
dirigeants ennemis de leur soutiens internes et externes) ; R comme Ridiculiser
(railler les traditions de l’ennemi, comme l’écrit Sun Tzu dans L’Art
de la guerre), ou comme Renverser (les valeurs de légitimité de l’ennemi
contre lui-même). On peut citer les cas d’école du retournement du mea
culpa chrétien contre l’Eglise catholique, la plus diabolisée des
religions et le retournement de la Shoah contre Israël et les Juifs, soumis à
la reductio ad hitlerum par les pro-palestiniens radicaux et
les islamistes.
Les vecteurs de la
manipulation sont tout d’abord l’enseignement de l'Histoire, fondé sur
l’injustice intellectuelle consistant à juger le passé à charge et avec les
yeux du présent ; puis, les médias, points de rencontre entre Mc World et
l’idéologie de gauche. Mais les journalistes sont souvent les derniers rouages
du processus de désinformation qui, selon la grille de lecture établie par
Vladimir Volkoff , passe par 7 étapes. Un client – étape 1 -, que ce soit un
gouvernement, un lobby économique, un parti politique, etc., contacte un agent
professionnel – étape 2 – qui peut être un bureau spécialisé, une agence de
communication, une société de marketing ou bien encore des services secrets.
Cet agent élabore une étude de marché – étape 3 – qui permettra de
déterminer qui sont les amis, les ennemis, quels sont leurs appuis, points
forts, points faibles, ainsi que le système de légitimité de l’adversaire. Une
fois ce travail accompli, il forge un thème discréditant – étape 4 – comportant
des reflexes mentaux conditionnés, du type : Serbes ou Israël = Nazis, ou bien
encore Droite = Vichy, etc.. Thème qui sera présenté – étape 5 – sur
un support crédible: groupe d’experts, association antiraciste,
humanitaire, etc.., puis – étape 6 -transmis par des relais : revues
spécialisées, rapports, commentaires de sondages. Et enfin – étape 7 –
largement diffusé par les caisses de résonances que sont les médias. C'est
aussi simple et tortueux que cela…
PdM : Quelles sont pour
vous les vérités historiques à rétablir d'urgence ?
AdV : La plus grande
opération de travestissement de la réalité au profit de non-Occidentaux hyper
valorisés et au détriment d’Occidentaux diabolisés est le mythe de la dette de
l’Occident vis-à-vis de la science arabe puis celui, corrélatif, de l’Espagne
islamique tolérante (Al-Andalus). Ces mythes servent à donner du Moyen Age
chrétien une image obscurantiste et à attribuer à l’islam une supériorité
scientifique. Ainsi devrions-nous aux "Arabes éclairés " le zéro, les
mathématiques, la philosophie grecque, la Renaissance et donc notre science
actuelle… En réalité, la prétendue science arabo-musulmane n’avait rien
d’islamique, puisque les savants éclairés de Bagdad, Samarcande ou Al-Andalus
étaient juifs, chrétiens-syro-araméens, zoroastriens ou " mauvais
musulmans " condamnés par le clergé islamique comme apostats. De même, le
mythe des trois religions monothéistes qui auraient cohabité en toute harmonie
dans Al-Andalus, sert à masquer le fait que les Juifs et les chrétiens y furent
des citoyens de seconde zone, les dhimmis, soumis à la Charià,
interdits de tout prosélytisme, interdits d’épouser des musulmanes (l’inverse
étant encouragé) et redevables d’une taxe écrasante (la Jizya).
Nombre de dhimmis furent martyrisés dans Al-Andalus. Le grand
savant Maïmonide lui-même raconte la souffrance des Juifs, ainsi que sa
condamnation à mort pour " apostasie " lorsqu’il redevint juif après
une conversion forcée à l’islam, ce qui l’amena à fuir Al-Andalus la
"tolérante"…
L’autre grand mythe
anti-occidental est celui de l’esclavage et du racisme à sens unique : nous
aurions été les pires, voire les seuls (cf. la loi Taubira) esclavagistes. Or
les historiens savent que ce sont les empires (califats) islamiques arabes et
turc-ottomans qui ont le plus et le plus longtemps pratiqué l’esclavage des
Noirs mais aussi des Blancs (Slaves, méditerranéens, Balkaniques, etc.). On
tait trop souvent l’esclavage des dizaines de millions de Blancs, puis de noirs
africains, massivement castrés…
PdM : On vous traitera
(entre autres) d'islamophobe …
AdV : L’expression même
d’islamophobie a été lancée par les islamistes – et inconsidérément reprise par
les associations militantes "antiracistes" autoproclamées – non pour
défendre les musulmans victimes de persécutions mais pour diaboliser et faire
taire ceux qui critiquent l’islam et défendent nos démocraties face à
l’offensive islamiste mondiale. Nos dirigeants ont tort d’accepter le dangereux
dialogue de dupes qui consiste à recevoir les leçons de morale de
propagandistes barbus et d’Etat islamiques "amis" qui persécutent les
chrétiens chez eux, mais exigent chez nous la pénalisation de
"l’islamophobie". Or la base de l’amitié est la réciprocité.
PdM : Que dire à cet
égard de la mondialisation ?
AdV : Le thème de la
"mondialisation heureuse" fonctionne également comme un mythe central
du cosmopolitiquement correct. Or il suffit de voyager dans le nouveau monde
multipolaire pour voir que la globalisation (phénomène technologique neutre
désignant les moyens de communication modernes planétarisés) n’a pas produit
une "suprasociété mondiale" (Zinoviev), multiculturelle, pacifique et
unifiée, mais plutôt un monde multi-conflictuel et hyper-concurrentiel dans
lequel les Etats qui renoncent à leurs intérêts souverains (monnaie, industrie,
realpolitik, frontières, natalité, sécurité) sont concurrencés économiquement
puis submergés démographiquement et géopolitiquement par des prédateurs ravis
que l’on baisse la garde.
PdM : Comment réagir ?
Et que faut-il transmettre ?
AdV : La première chose
à faire est de cesser de jouer le rôle que le manipulateur attend de nous : il
n’y a pas de culpabilisateur sans culpabilisé consentant… Lorsque l’on tente de
nous dissuader de fréquenter tel ou tel pestiféré, traité de " fasciste "
dans une presse bien-pensante pour avoir osé parler de "l’identité
nationale", nous ne devons pas nous laisser impressionner. De même, la
droite doit cesser de vouloir plaire aux philosophes de gauche. José Maria
Aznar m’avait ainsi confié ne pas comprendre la droite française, toujours
encline à plaire à la gauche. Nous devons cesser de nous laisser dicter notre
langage par l’adversaire, car la guerre mentale commence par les mots qui
forgent nos représentations. Nous devons donc donner le ton en élaborant une rhétorique
victorieuse, offensive, destinée à déculpabiliser notre camp et à lui redonner
confiance.
Le réarmement moral
passe par la destruction des mythes fondateurs du cosmopolitiquement correct :
comme le préconisent les thérapeutes cognitifs-comportementalistes , pour
soigner les dépressifs, il convient d’opérer un "recadrage de
contexte" consistant à ne plus s’attribuer des fautes commises par
d’autres en d’autres temps. Si la source de la dépression européenne est
l’enseignement du mépris de soi, alors, la clef de la guérison sera une cure
d’auto-estime et de déculpabilisation. Face à la haine de soi, la solution est
l’amour de soi, seule façon de relever le défi de l’intégration. Car on ne peut
intégrer l’Autre qu’en étant fier de sa propre identité. C’est ce que j’ai
appelé le "patriotisme intégrateur".
PdM : Ecrire, c'est
réagir, mais êtes-vous optimiste ?
AdV : Oui ! Car le mur
du politiquement correct s’effrite. L’intox prend de moins en moins. Et le
retour de la dissidence est favorisé par les nouveaux médias alternatifs du web
que le Système ne contrôle pas et qui dépassera bientôt les capacités de
résonance des médias classiques.
*Alexandre del Valle,
géopolitologue, éditorialiste et essayiste, enseigne la géopolitique en France
et en Italie et intervient en qualité de consultant auprès d'institutions
internationales. Il publie "Le complexe occidental : Petit traité de
déculpabilisation." Toucan Essais. 416 p., 22€
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