Robert Badinter, 2002 contre la pénalisation de la prostitution


Robert Badinter écrit : 
""Il n'avait qu'à y penser plus tôt et maîtriser son désir d'un instant", diront les bien-pensants. Mais c'est méconnaître les pulsions, les forces obscures qui gouvernent la sexualité. Mieux vaut aborder ce domaine complexe de l'être humain avec le regard de Freud qu'avec celui de Mgr Dupanloup. "

Je pense exactement le contraire, je pense que la vision catholique de la sexualité humaine et de la capacité de l'être humain de la maitriser est bien plus réaliste et plus humaine, plus respectueuse de  l'être humain -homme et femme-  que celle de cet escroc intellectuel que fut Freud.  Il n'y a aucune "force obscure", il y a le CHOIX, de décider de se vautrer dans le " Je m'offre le corps et la souffrance de l'autre, parce que je le vaux bien" ou de respecter l'intégrité physique d'autrui,  il y a le choix de ce que l'on fait de son imagination et de son corps, et le bromure aussi  est en vente libre ...

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Pour le reste des arguments à opposer à Robert Badinter sur cette question toujours actuelle : voir les arguments de Marie-Victoire Louis ci dessous.
http://elisseievnatome2.blogspot.fr/2013/08/defenseurs-de-la-gpa-pierre-berge-et_24.html


Prostitution et pénalisation
Rober Badinter
Le Monde 

·         21/02/2002
·         Le Monde
·         Rober Badinter
·         Droits Civiles.

C'est avec surprise que j'ai lu l'article du Monde du 16 février consacré aux débats au Sénat sur la prostitution des mineurs. Je n'y reconnaissais ni mes propositions ni mes amendements préparés avec des magistrats chargés de la protection de la jeunesse, et déposés avec l'accord de nombreux sénateurs socialistes.
C'est avec surprise que j'ai lu l'article du Monde du 16 février consacré aux débats au Sénat sur la prostitution des mineurs. Je n'y reconnaissais ni mes propositions ni mes amendements préparés avec des magistrats chargés de la protection de la jeunesse, et déposés avec l'accord de nombreux sénateurs socialistes. Comme le sujet est important, je souhaite y revenir.
La France, comme tous les Etats d'Europe occidentale, connaît aujourd'hui un fléau : la traite organisée, depuis l'Europe de l'Est et les Balkans, de milliers de jeunes prostituées, parfois mineures. S'y ajoute le flux d'autres prostituées, venues d'Afrique noire, souvent très jeunes, sans que l'on puisse savoir exactement leur âge, car elles sont démunies de papiers d'identité fiables. Ce sont les victimes pitoyables des proxénètes travaillant en réseaux internationaux, véritable mafia criminelle.
Ce fléau doit être combattu avec la plus grande rigueur. Le gouvernement y est résolu. On doit l'en féliciter. Encore faut-il, pour que cette lutte soit efficace, distinguer les trois acteurs en présence : le proxénète, le mineur prostitué et le client. Chacun appelle une réponse adaptée : contre le proxénète, la répression ; pour sa victime, l'assistance ; au regard du client, la prévention et la sanction.
Face au proxénétisme organisé, il ne saurait y avoir d'autre réaction que la plus ferme répression. Je l'ai rappelé tout au long des débats au Sénat. Comme la traite des prostituées, particulièrement des mineures, revêt une dimension européenne, c'est sur le plan européen que la répression doit être conduite. Les réseaux de proxénètes sont habiles, en effet, à faire passer leurs proies d'un Etat à l'autre de l'Union européenne, pour les dérober à l'action des polices nationales. Il existe une Europe du proxénétisme organisé.
Il faut lui opposer une police et une justice européennes intégrées. Nous sommes loin de les avoir réalisées. De même, sur le territoire national, la lutte contre le proxénétisme organisé doit être reconnue comme une priorité. Or que constate-t-on ? De 1987 à 1999, c'est-à— dire pendant la période où l'effondrement des régimes communistes à l'est de l'Europe et la guerre dans l'ex-Yougoslavie suscitaient une explosion de la prostitution juvénile, en Europe, notamment en France, le nombre des condamnations pour proxénétisme aggravé, loin d'augmenter, a sensiblement baissé : de 182 condamnations en 1987, il est tombé à 105 en 1999. Et les effectifs de la police consacrés à cette lutte contre la prostitution des mineurs demeurent dérisoires.
Contre ce proxénétisme maffieux, j'ai déposé un amendement demandant que les proxénètes qui livrent à la prostitution des mineurs de moins de 15 ans soient désormais traités en criminels et jugés par la cour d'assises, et non plus en correctionnelle. Quand quelques-uns auront été condamnés par le jury à de lourdes peines de réclusion criminelle, les autres mesureront le châtiment qu'ils encourent en France.
S'agissant des filles et garçons prostitués de 15 à 18 ans, ils sont des victimes. Si l'on peut parler d'adolescents en péril, c'est bien dans leur cas. Perdus sur une terre étrangère, ne parlant pas, ou à peine, notre langue, sans parents souvent, sans papiers, ils sont esclaves des proxénètes. Il est donc indispensable que les adolescents prostitués soient placés sous le contrôle du juge des mineurs pour qu'il prenne, à leur égard, des mesures d'assistance éducative. Jusque-là, cette disposition n'était que facultative, et trop peu de mineurs y étaient soumis. L'amendement que j'ai déposé la rendra obligatoire et assurera leur protection judiciaire.
Reste la question difficile du sort fait aux clients : le gouvernement a choisi, à leur égard, la voie de la pénalisation. Il s'agit là d'une rupture avec l'état du droit antérieur. En effet, toute personne, à la condition de ne pas y être contrainte par autrui, peut exercer la prostitution. Et, depuis la suppression, en 1982, du délit d'homosexualité, la majorité sexuelle - c'est-à-dire le droit de disposer librement de son corps - est fixée à 15 ans.
Il n'en ira plus ainsi, dorénavant. Les relations sexuelles avec des adolescents prostitués seront punies de peines d'emprisonnement et de lourdes amendes. Le gouvernement entend ainsi combattre la prostitution des adolescents et réduire le proxénétisme. On ne peut que l'espérer, sans optimisme excessif à cet égard, au regard des leçons de l'histoire. La prohibition de la prostitution a entraîné plutôt sa clandestinité que sa disparition. Il n'y avait pas de société plus répressive, en Europe, que l'Angleterre au XIXe siècle, et aucune capitale, en Europe, ne comptait autant de filles ou garçons prostitués que Londres.
Quoi qu'il en soit, la décision étant prise de frapper, dorénavant, de peines correctionnelles les clients des adolescent(e)s prostitué(e)s, il convient, dans ce domaine aussi, de privilégier la prévention sur la répression.
Prévenir, c'est d'abord faire savoir que les lois ont changé. L'interdit nouveau doit être clairement énoncé pour que nul ne s'y trompe. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement afin que soit inscrit dans la loi : "La prostitution des mineurs est interdite sur tout le territoire de la République." Il faut souhaiter que cette interdiction soit largement diffusée dans le public et commentée dans tous les établissements scolaires.
Restait à déterminer le niveau des peines encourues. Toute disposition nouvelle dans le code pénal s'inscrit dans un ensemble qui doit conserver sa cohérence répressive. Et les principes constitutionnels imposent que toute peine soit proportionnée à l'infraction.
Le gouvernement avait proposé une peine de cinq ans d'emprisonnement pour toute relation sexuelle avec un mineur prostitué de 15 à 18 ans, portée à dix ans si les relations étaient habituelles ou le mineur âgé de moins de 15 ans. L'Assemblée nationale avait ramené, dans ce cas, la peine à sept ans d'emprisonnement.
Punir de cinq ans de prison une relation sexuelle, voire la sollicitation d'une telle relation avec un adolescent prostitué, apparaît disproportionné avec la gravité de l'infraction, s'agissant d'un comportement autorisé jusqu'à ce jour. Il faut rappeler qu'une telle peine de cinq ans est prévue dans notre code pénal contre le proxénète ordinaire. Comment placer à un même niveau de répression celui qui exploite la prostituée et le client de passage ?
En revanche, s'agissant d'un mineur de moins de 15 ans avec lequel la relation sexuelle confine à la pédophilie, la peine encourue doit être plus sévère. Ainsi proposai-je une échelle des peines mieux équilibrée et approuvée par la commission des lois du Sénat : deux ans d'emprisonnement dans le cas d'adolescents de 15 à 18 ans, cinq ans pour les relations habituelles, sept ans s'agissant de mineurs de moins de 15 ans. A la demande de la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, Ségolène Royal, la peine initiale fut portée à trois ans.
Que va-t-il advenir dans la réalité ? Un homme aura eu une relation occasionnelle avec une ou un jeune prostitué, âgé de 16 ans par exemple. Arrêté en flagrant délit, ou dénoncé par un tiers, il sera traduit devant le tribunal correctionnel, en audience publique, et condamné. Pareille comparution, pareille condamnation pour de tels motifs, même à une peine avec sursis, relatée, le cas échéant, par la presse locale, entraînera pour lui un désastre familial, professionnel, social.
"Il n'avait qu'à y penser plus tôt et maîtriser son désir d'un instant", diront les bien-pensants. Mais c'est méconnaître les pulsions, les forces obscures qui gouvernent la sexualité. Mieux vaut aborder ce domaine complexe de l'être humain avec le regard de Freud qu'avec celui de Mgr Dupanloup. L'attitude des magistrats du parquet peut jouer un rôle décisif de prévention judiciaire. Lorsque leur sera déféré le client occasionnel, ils pourront lui donner l'avertissement nécessaire et lui rappeler l'exigence de la loi et le respect dû à la personne humaine, particulièrement à des adolescents prostitués, victimes des proxénètes et de la misère. Ils l'aviseront aussi que toute réitération entraînerait une comparution immédiate devant le tribunal correctionnel et une peine sévère. Pareil avertissement, en de telles circonstances, revêtira une force dissuasive particulière et évitera les conséquences désastreuses d'une condamnation pénale.
On doit redouter, en tout cas, que les proxénètes, qui ont pour fonds de commerce la prostitution d'autrui, organisent, comme ils l'ont toujours fait dans le passé, provocations et chantages, pour tirer profit, à leur manière, des nouvelles dispositions pénales. Bien des homosexuels, avant 1982, au temps où existait encore le délit de relations sexuelles avec des adolescents du même sexe, ont été ainsi attirés et piégés par des bandes de voyous organisées, et ont été l'objet de chantages, sous la menace de dépôt d'une plainte. J'ai trop connu, jadis, comme avocat, de telles affaires à la fois terribles et sordides, pour ne pas mesurer ce qu'emportera, comme provocations, la pénalisation nouvelle. Elle ne permettra pas, de surcroît, d'atteindre la véritable cible : les proxénètes. Car le client de passage ignore le proxénète que, seule, la prostituée connaît et redoute. Par un ultime paradoxe, l'homme fortuné qui entretient, à grands frais, une ou un adolescent vénal, échappera à toute poursuite. Car, dans ce cas, il ne s'agit pas, légalement, de prostitution. Et pourtant...
Ces considérations m'avaient amené à déposer un amendement pour que la pénalisation nouvelle ne frappe pas les clients mineurs. La sexualité adolescente est complexe, effervescente, et l'on ne peut exiger de l'adolescent la même maîtrise de soi que de l'adulte. De surcroît, dans notre époque de libération des mœurs, l'adolescent qui va chercher, auprès d'une prostituée de son âge, un accomplissement qu'il ne trouve pas autrement, ne paraît pas devoir relever de poursuites pénales. Je n'ai pas été entendu. Et j'ai retiré mon amendement en demandant que la garde des sceaux, dans une circulaire au parquet, recommande de privilégier la voie des mesures éducatives plutôt que celle des sanctions pénales.
Etrange société en vérité que la nôtre, où la pornographie déferle de toute part, où les lolitas, dans des tenues et des postures provocantes, fleurissent sur tous les murs et dans toutes les publications, où les films érotiques, qui mettent en vedette des nymphettes, sont projetés aux heures de grande écoute, et où les films X, enregistrés sur cassettes, circulent dans les lycées ! Et où, en même temps, on veut traduire en justice des adolescents qui, dans des conditions misérables, auront des relations sexuelles avec des prostitué(e)s de leur âge.

Par Robert Badinter, ancien ministre de la justice, ancien président du conseil constitutionnel, est sénateur (ps) des hauts-de-seine

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