Simone Veil sur le procès Papon






Gros malaise ...
Ayant une famille de résistants, juifs, résistant, connaissant l'évidence de l'obsession des résistants de ne pas laisser de traces de leurs actions, de leur situation de résistant, j'avais ressenti un grand malaise lors du procès Papon ...
Quoi ? Cet homme est poursuivi par un chasseur de nazis en fuite, mais il n'a rien d'un nazi en fuite, c'est un homme qui a toujours été en vue, en France, en haute fonction au vu et au su de toute la Résistance rescapée : alors quoi ? Personne parmi ces résistants n'aurait dit " Halte là, cet homme est un collabo notoire !"  ... voilà qui ne tient pas debout ... selon toute évidence ... Seulement 50 ans après la guerre, lors du procès quasiment tous ceux qui pouvaient témoigner d'une participation d'un fonctionnaire français étaient morts. Ce procès est réellement bien étrange.
Or que trouvé je en surfant sur la toile, à l'appui d'un livre sur ce procès ; des témoignages des plus grands de la Résistance en faveur de Maurice Papon ... hé oui ... témoignages qui corroborent d'autres que j'ai reçu en privé, de résistants juifs ...

Gros malaise ....
ce même week end, on en apprend de belles en famille, j'entends une autre histoire : la femme qui secondait le chef de la résistance du nord, l'équivalent de Jean Moulin, est prise par des abrutis à la Libération et .... rasée :  maté, forcément, on l'a vue celle là fricoter avec les nazis !  ben oui, les gros nazes, combien de résistants ont approché et se sont faits bien voir des allemands, pour parvenir à mener leurs diverses missions ... heureusement son chef est intervenu et a mis fin à cette sinistre brutalité : mais là encore, les apparences étaient contre une résistante et seul le témoignage d'un autre résistant pouvait rétablir la vérité.

Quelques uns des témoignages de Résistants en faveur de Maurice Papon :

Léon Boutbien, héros de la Résistance
- En 1936, il se porte volontaire pour combattre en Espagne. Il préside la fédération internationale des étudiants socialistes ;
- En 1940, il participe à la création de l’un des premiers réseaux de résistance, celui du Musée de l’homme ;
- Déporté à Struthof, il sait ce que fut l’horreur des camps de concentration.
Décédé le dimanche 25 février 2001, il fut Président d’honneur des médaillés de la Résistance, Vice -président de l’Union internationale de la Résistance et de la Déportation, et Grand croix de la Légion d’honneur. Il a témoigné au procès et a suivi et encouragé les travaux de l’association Résistance - Vérité - Souvenir.
Nous présentons deux textes de lui :
- la 
préface du livre de Hubert de Beaufort : Affaire Papon, la contre-enquête, 
Une innocence évidente...
Préface de Léon Boutbien du livre de Hubert de Beaufort, mars 1999.
  " Une innocence évidente contre une haine entretenue, médiatisée, diabolisée, tel se présente le procès de Maurice Papon. Procès qu’il avait paradoxalement souhaité pour laver son honneur des misérables calomnies portées par un affabulateur.
En conscience, Maurice Papon est innocent des crimes dont il est accusé. Ce n’est pas seulement un mauvais procès, c’est un règlement de comptes politique monstrueux, soigneusement structuré, entretenu depuis 1980 contre l’ancien Préfet de Police, par des extrémistes accaparant pour leur dessein politique, la tragédie humaine du génocide.
Mais l’accusation concerne toute la Résistance française qui en est atteinte. Comment a-t-elle pu attendre si longtemps pour châtier un tel coupable, complice de toute les exactions et crimes de l’État français ? Certes, par une déclaration inopportune et électoralement située, le Président de la République a culpabilisé le peuple français et, plutôt que de rester fidèle au général de Gaulle, il a provoqué la discorde. Durant l’occupation, la République n’a jamais cessé d’exister, tant à Londres qu’en France occupée, sous l’armature occulte de la Préfectorale, son dévouement et le sacrifice des Résistants à leur poste.
Soumettre au jugement une telle situation, avec la prétention de lui accorder une valeur éducative par des hommes dont l’âge pardonne l’ignorance, est une imposture. Si la liberté et la vie d’un homme n’en dépendait, le jugement de Bordeaux serait risible.
La mort a fait son œuvre depuis, les acteurs et témoins de cette période ont disparu, sinon ce procès n’aurait jamais eu lieu. Pour ne citer que les commissaires de la République à Bordeaux, en 1944 : Gaston Cusin, Bourgès-Maunoury, Soustelle, tous ont conservé leur confiance à Maurice Papon et dit qu’il était un Résistant comme eux. Sa situation était d’autant plus difficile, plus critique, qu’il agissait au milieu d’un nid de vipères ", avec une marge de manœuvre d’action limitée, car la Gestapo était partout.
Après le témoignage au procès de MM. Amouroux et Michel Bergès, Hubert de Beaufort prolonge le sien par ce livre. Par sa documentation et sa précision, il rétablit une vérité qui vient à point pour éclairer l’opinion et la convaincre. C’est une bouée de sauvetage jetée à un homme dont, ni l’âge ni I’innocence ne supporteraient la confirmation d’un châtiment funeste. Sommes-nous encore un Etat de droit où la justice doit être sereine ? "

Léon BOUTBIEN

Marie-Madeleine Fourcade. Un chef de la Résistance
Michèle Cointet
Paris, Edition Perrin, 2006, 358 pages
Dans son  dernier livre l'historienne Michèle Cointet, spécialiste des années 1940-45,  trace le portrait d'une femme d'exception,  qui demeure dans la mémoire - résistante  l'une des figures emblématiques des « femmes en Résistance ». Issue d'une famille coloniale aisée et de tradition catholique, elle vit une partie de son enfance en Chine, puis au Maroc après avoir épousé le Capitaine Edouard-Jean Méric dont elle se séparera quelques années plus tard  en quête d'indépendance. C'est dans les salons parisiens du milieu des années trente, tandis qu'outre Rhin les menaces se profilent, qu'elle rencontre Georges Loustaunau-Lacau, béarnais, baptiséNavarre « Il avait la carrure, la verve et la furie d'agid'Henri IV», héros de la Grande Guerre, officier nationaliste et incorrigible comploteur, un temps exclu de l'armée dont elle va partager les passions nationalistes. Après le choc de l'exode de juin 40, elle le retrouve à Vichy où se sont réfugiés « tout un petit monde vibrionnant d'ambitions, d'espoirs et de regrets » et un Maréchal de France qui fausse bien des « cartes » et étouffe les plus ardentes velléités d'insubordination. Durant cet intermède vichyssois naît l'idée d'une croisade « ...aux intentions purement patriotiques et militaires... », dont une partie des croisés seront les premiers déçus du pétainisme - pour l'essentiel des militaires peu favorables à de Gaulle -  et de la  personnalité de quelques uns naîtra dès décembre 1940 le réseau Alliance. Le refus de la subordination au chef de la France Libre, allié à un certain pragmatisme conduit Georges Loutaunau-Lacau à choisir l'Intelligence Service comme interlocuteur ; après son arrestation par la police de Darlan,  Marie-Madeleine Méric, aider par le commandant Léon Faye, va prendre la tête d'Alliance et déployer toutes ses qualités pour en faire le plus grand et sans doute le plus efficace réseau de renseignement militaire français qui  comptera plus de 3000 agents. C'est toute la vertu de l'auteur du livre, que d'expliquer comment par son charisme et  son courage, Marie-Madeleine va s'imposer dans un milieu d'officiers très traditionalistes peu enclin au féminisme et de montrer comment cette jeune résistance  souvent seule « face à la mer déchaînée » des événements prend conscience que par son action elle envoie des jeunes hommes à la mort - sur les 438 morts que comptera Alliance : 189  n'ont pas trente ans.  Sa compétence, son intuition, son sens de l'organisation et  le choix qu'elle fait d'être présente en permanent sur le terrain, auprès de ses agents - dont plus du quart sont des femmes - souvent dans les pires moments, lui vaudront d'être reconnue comme le « Chef d'Alliance ». L'autre vertu de l'auteur est d'analyser les différentes missions et tâches de tous les agents de ce réseau :  opérateurs radio, agents de liaison, ...etc. et à cette occasion de « sortir de la nuit, en des images brèves et lumineuses » les portraits de femmes et d'hommes souvent oubliés de  l'histoire de la Résistance.
A son apogée Alliance  peut s'enorgueillir d'avoir communiquer les renseignements qui permettront aux Anglais de gagner la bataille de l'Atlantique, d'avoir été l'une des chevilles ouvrières de l'évasion du général Giraud et de son arrivée en Afrique du Nord et d'avoir communiquer aux Alliés les renseignements qui leur permettront de détruire une grande partie les lieux où les Allemands développaient leurs armes secrètes. Printemps 1943 le réseau a grandi, parallèlement les arrestations se sont multipliées, la Résistance française, par la volonté du délégué du général de Gaulle Jean Moulin s'est structurée, le Comité français de la Libération nationale a été crée en juin à Alger et de nouveaux enjeux politiques sont apparus. Toujours jalouse de son indépendance et de celui de son réseau, qu'elle voulait strictement opérationnel et apolitique, c'est résignée qu'elle rejoint l'Angleterre le 18 juillet 1943, tandis qu'en FranceAlliance  connaît une terrible hécatombe du fait de la police allemande. A l'été 44 elle fait preuve d'intelligence politique en faisant quelques premiers pas vers l'homme du 18 juin, tout en obtenant de conserver pour son réseau une certaine autonomie et retournera en France après le débarquement de Normandie pour le réactiver dans les régions encore occupées.
Après la victoire chèrement acquise pour Alliance, elle trouvera un nouveau bonheur avec un Français libre Hubert Fourcade qu'elle avait croisé dans la Résistance, et s'investira dans le travail de mémoire de la Résistance et en particulier dans celui des femmes et des hommes de son réseau « Je voudrais qu'on ne les oubliât pas et qu'on comprît surtout quelle était la divine flamme qui les animait ».
Il faut remercier l'auteur pour la biographie de cette femme admirable dont la mémoire comme pour beaucoup de femmes résistantes n'a pas souvent été honorée comme elle aurait dû l'être.

Jean Novosseloff


Marie Madeleine Fourcade, résistante de la première heure qui a écrit "L'arche de Noé", histoire du réseau Alliance qu'elle a commandé et dont les membres portaient des noms d'animaux comme pseudos, a cosigné une lettre du comité de soutien.


        Lettre du comité de soutien aux parlementaires (1987)
Paris, la 9 Novembre 1987           

            Monsieur,
             En 1981, Maurice Papon, ancien Ministre, a fait l'objet, on s'en souvient, d'une campagne mettant en cause son attitude durant la dernière guerre mondiale, alors qu'il exerçait les fonctions de Secrétaire Général de la Préfecture de Bordeaux.
            Lassé alors d'être  l'objet de déclarations, d'attaques et de  menaces - qui se sont traduites finalement par le dépôt organisé de plaintes suscitées 40 ans après l'occupation - Maurice Papon a demandé à être inculpé afin d'avoir accès à ce "dossier".
            Le juge d'instruction commis a,  par ordonnance en date du 22 Février 1984, désigné des experts aux fins d'analyser les faits reprochés et les documents produits. Ce rapport d'expertise, déposé en janvier 1985, a été traité par le silence.
            La Cour de Cassation a annulé la procédure suivie, y compris l'inculpation prononcée avant toute expertise. Une nouvelle instruction est donc ouverte. Tout va recommencer après six années de procédure.
            Or, la lecture du rapport des experts ayant confirmé leur intime conviction, les soussignés croient de leur devoir de conscience de donner connaissance de ce document afin que Maurice Papon soit définitivement et rapidement mis hors de cause dans cette affaire montée de toutes pièces. Ils espèrent que les anciens collègues de Maurice Papon s'emploieront à faire cesser enfin ce scandale indigne d'un Etat de Droit, alors que par ailleurs  les plaignants ont été inculpés pour dénonciation calomnieuses.
            L'aticle 6, alinéa 1er, de la convention Européenne des Droits de l'Homme, stipule : " toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,  publiquement et dans un délai résonnable ..."
            L'affaire DREYFUS a duré 12 ans. L'affaire PAPON dure depuis six ans. C'en est assez !
            Il ne nous semble pas que dans la conjoncture actuelle, sensible au racisme et à l'anti-sémitisme, il soit bien de se servir de la justice pour régler des comptes politiques.
Maurice Bourgès Maunoury
Délégué Militaire du Général De Gaulle
pour la zone Sud
Ancien Commissaire de la République
à Bordeaux
Ancien Président du Conseil
Signature

Jacques Soustelle
Ancien Directeur Général des
Services spéciaux
du Gouvernement provisoire
Ancien Commissaire de la
République à Bordeaux
Signature
Marie Madelaine Fourcade
Chef du réseau Alliance
Présidente du Comité d'action
de la résistance (CAR)
1ère Vice-Présidente de l'Union
Internationale de la Résistance
et de la Déportation  (U.I.R.D.)
Ancien Député Européen
Conseiller à l'Association
des Droits de l'Homme
Signature

Guy de Saint Hilaire
Chef du Réseau Marco du NAP

Signature



Jean Morin
Ancien Directeur du Personnel
du Ministère de L'Intérieur
à la Libération
Signature

Jean François Steiner
Ecrivain
Auteur de "Treblinka"
Signature



L'association Résistance-Vérité-Souvenir lutte toujours pour faire connaître la vérité sur l'Affaire Papon.




Jean François Steiner a écrit une postface pour le livre de Hubert de Beaufort.
Son père est mort en déportation. Il a écrit " Treblinka "
Un scandale à quatre points de vue...
Postface de Jean-François Steiner, mars 1999.
(livre de H. de Beaufort)
    Cette contre-enquête confirme à la fois ce que je savais et ce que je pressentais, mais c’est une confirmation éclatante :
Papon est entièrement innocent et je dirais même, encore plus innocent que je ne le pensais.
Ce procès a été, comme je l’avais dit au cours de ma déposition, une sinistre comédie.
    C’est un scandale à un quadruple point de vue : éthique, politique, psychologique et théologique.
Au point de vue éthique:
    On condamne un innocent au nom du martyre d’autres innocents et je me sens directement concerné. L’association des fils et filles de déportés étant partie civile, c’est en mon nom que Papon a été poursuivi et condamné. Que l’on utilise la mort de mon père pour condamner un innocent, je considère, cela comme révoltant.
Au point de vue politique :
    Je pense qu’il est maladroit et dangereux, de la part de mes coreligionnaires, de s’acharner ainsi et donner l’impression que la communauté juive, tout entière, poursuit de sa vindicte un vieil homme, qui, aux yeux des Français, n’est pas plus coupable qu’un autre. La majorité des Français, qui ne connaît pas le dossier, n’était pas persuadée de l’innocence de Papon, mais pensait aussi que son crime ne valait pas une telle condamnation.
    Pour la majorité des Français, Papon a d’abord été imprudent ". Mais que cette imprudence lui vaille dix ans de prison, la prison à vie étant donné son âge, alors que ses chefs (à la préfecture), n’ont pas été inquiétés et que les responsables nazis ont été seulement condamnés à cinq et sept ans de prison, je pense que c’est une extraordinaire maladresse. Je crois, à l’instar de quelques membres éminents de la communauté juive que le principal résultat de ce procès sera d’augmenter l’antisémitisme. Les Grecs disaient déjà : " Les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre. "
Au point de vue psychologique :
    On a beaucoup parlé, au moment du procès, du travail de deuil nécessaire pour les survivants du génocide : je pense que ce procès est beaucoup plus la manifestation d’un deuil pathologique. On a le sentiment que tous les gens qui poursuivent Maurice Papon, en dehors de ceux qui le poursuivent pour des raisons politiques, se servent de lui beaucoup plus pour nourrir leur mélancolie que pour s’en guérir.
    Je crois, d’après mon expérience personnelle, que le seul moyen de faire le deuil des victimes qui nous sont proches, c’est justement de renoncer à la vengeance, de ne plus nourrir cet esprit de vengeance. En effet, ce procès est plus un acte de vengeance qu’un acte de justice. J’ajouterai une autre perspective qui ne concerne pas seulement les juifs, mais l’ensemble des forces qui se sont déchaînées contre Maurice Papon : à travers lui, c’est l’image du père que l’on veut abattre, cette clef de voûte de l’appareil psychique des individus. Pour moi, ce procès s’inscrit dans un vaste phénomène d’éclatement de la civilisation.
Au point de vue théologique :
    Je trouve navrant qu’une grande partie de mes coreligionnaires attache plus d’importance à ce qui s’est passé à Auschwitz qu’à ce qui s’est passé au mont Sinaï où la loi nous a été donnée. Le culte d’Auschwitz qui se développe dans la communauté juive est un culte de la mort, et en ceci, il est absolument contraire à l’essence du judaïsme, religion de la vie. Le choix de la vie est d’ailleurs l’ultime commandement que Dieu prescrit aux Hébreux par la bouche de Moïse, à la veille d’entrer au pays de Canaan :
" Vois, dit-il, j’ai mis devant toi la vie et le bien, la mort et le mal, tu choisiras la vie. "





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